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Affichage des articles du 2017

Voyages sonores

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Sur la route silencieuse.  Etats-Unis, novembre 2017 ©levaporettoblogue.blogspot.com Après trois mois d’une épopée nord-américaine, je marche à nouveau sur la terre de l’ancien monde. Deux fois en deux ans que je pars très loin de la vieille Europe, du tracé sinueux de ses centres médiévaux, des façades majestueuses de la Renaissance, des excès baroques, des larges boulevards du XIXème siècle, des villes ployant sous le poids de la culture et des arts, comme des orangers chargés de fruits mûrs. Deux fois en deux ans que je languis l’atterrissage sur le sol d’Europe et que grandit l'envie de sortir et déambuler dans une ville, m’attacher aux détails d’un bas-relief, regarder le mouvement des corps, m’asseoir dans un café, sur une chaise de bois, au milieu de la rumeur de la foule insouciante, du claquement des verres sur les comptoirs de marbre, du chant des oiseaux à la fin du jour. On ne mesure pas à quel point l’Amérique reste lointaine, jusque dans ses bruits. Dans le

Around midnight blend

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©levaporettoblogue.blogspot.com Miles autour de minuit Mélodie bleu noir qui retourne les tripes Rue obscure, lueur rouge qui vacille Rideau de soie sombre Jazz velours en mode mineur Fumée qui danse en arabesques Eclate une ronde corsée comme un Assam Elle s’éteint lentement un peu âpre Liqueur whisky dans le cristal  Blend vif ambré boisé Sans amertume Caravane sur fond de pleine lune Vol syncopé d’oiseaux de nuit La partition s’échappe du cuivre comme le thé Du bec de l’aiguière

La Fondation Martin Bodmer (Cologny, Canton de Genève Suisse)

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J’ai écouté ces derniers jours les 4 heures d’entretien que Pierre Bergé avait accordées à Laure Adler deux mois avant sa mort et qu'elle a choisi de diffuser  dans son émission du soir L’heure bleue .  Pierre Bergé était un homme aux passions multiples mais c’est de bibliophilie qu’il s’agit ici.  Le bibliophile , littéralement, « aime les livres », mais surtout il les collectionne non par compulsion ni pour spéculer mais par amour, par intérêt pour les idées qu’ils recèlent, les époques dont ils témoignent, les matières dont ils sont faits, les histoires qu’ils racontent, la vie ou la personnalité de leur auteur, les mains par lesquelles ils ont été feuilletés, annotés …  J’ai de sérieux penchants bibliophiles ; mais je n’ai pas la fortune pour m'offrir cette passion-là, alors je me déplace là où les livres précieux sont exposés. Jean Dubois, Cologny, vue de Genève depuis la Villa Diodati , fin XIXème siècle,   Centre d’iconographie genevoise, Bibliothèque de Genèv

Wabi-Sabi 侘寂 (ne pas confondre avec le Wasabi!) 茶道

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Un des piliers de la voie du thé (茶道/chadō) réside dans le Wabi-Sabi ( 侘寂) , concept japonais pluriel, simple et complexe à la fois. On se contentera de l’effleurer.  Parc national de Kalbarri (Western Australia) 2016 ©levaporettoblogue.blogspot.com Le Wabi-Sabi a été entre autres théorisé par le maître de thé zen Sen no Rikyū (1522–1591) lequel souhaitait redonner à la cérémonie du thé le souffle zen de ses origines, dans le sillon de la pratique simple et austère de Murata Jukō (1423–1502). Le Wabi-Sabi nous invite à regarder le monde autrement, à chercher le  beau non dans ce qui nous est souvent présenté comme tel : le brillant, le magnifique, le neuf, le jeune, le coloré, le pimpant, le cher, le somptueux, le glamour, le « parfait », mais au contraire à porter son attention vers les choses simples, modestes, patinées par le temps, parfois dissymétriques, bancales, rugueuses, délavées, abîmées même, « imparfaites » donc au regard des canons de l’esthétique

Prendre le temps - 茶道

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Aimer le thé , c’est embrasser une façon particulière d’appréhender le monde. La tradition japonaise parle de la « Voie du thé » (le chadō - 茶道 ). Mais nul besoin d’être engagé sur ce chemin-là pour en comprendre les principes, voire en faire l’expérience. Nuances de la mer ionienne 1, hiver 2017  ©levaporettoblogue.blogspot.com En versant de l’eau chaude dans une théière, je me suis arrêtée hier sur l’expression « prendre le temps ». Curieuse chose si l’on y pense que de devoir « prendre le temps » : prendre le temps à quoi, à qui ? Comme si consacrer le temps nécessaire à accomplir un acte ou élaborer une pensée était une entrave au déroulement « normal » des choses.  Or, ne devrions-nous pas considérer, au contraire, plus juste, plus satisfaisant, plus naturel de « prendre le temps » que de « ne pas prendre le temps », agir et penser dans la vitesse voire l’irréfléchi? Impossible, de fait, pour préparer un bon thé, de ne pas « prendre le temps ». La matérialité d

Un thé Pu’erh à Ucluelet (Vancouver Island, British Columbia, Canada)

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La tempête s’était tue. Les vagues gigantesques du pacifique ouest avaient laissé place à un paysage de marée basse dans la brume, les silhouettes des arbres dessinaient des ombres chinoises sur l’horizon gris. Les eaux de l’océan s’étaient retirées, dégageant une rive caillouteuse traversée de courants peu profonds, parsemée d’algues géantes. Les saumons jaillissaient de l’eau vive.   Un aigle à tête blanche, posé sur la branche la plus haute d’un cèdre rouge, prit son envol. Les amples ailes brunes dessinèrent des cercles dans le ciel de la fin du jour. Ucluelet, Ile de Vancouver, 2017  ©levaporettoblogue.blogspot.com Et il a surgi de la forêt pluviale, l’animal totémique, l’ours brun, puissant et agile, calme et solide.   Il a marché tranquillement le long de la rive, d’un pas souple et élégant. The Great Bear , Roy Henry Vickers De la cabine du bateau, nous l’observions, fascinés par la beauté première de la scène. J’aurais aimé me rapprocher de la

VANCOUVER

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Vancouver, ville de verre ©levaporettoblogue.blogspot.com Vancouver Latitude : 49°14′58″ Nord Longitude : 123°07′09″ Ouest Côte pacifique Erables rougeoyants Totems, jadis, Potlatchs Vol de l’aigle à tête blanche Tlingits, Haïdas, Kwakwaka’wakws, Salish, Kootenays, Nootkas…   1778 Année sombre Cook a posé un pied sur la terre d’une île Il a planté le drapeau de la couronne britannique Puis ils ont renommé les fleuves, les montagnes, les vallées Les ont vidés de leurs esprits Vancouver 2017 British Columbia Tissage de métal et de béton Sur les terres des peuples premiers Forêt d’arbres de verre opaques Ville parfaite, lisse et sans odeurs Les fleurs sont délavées Les masques des Indiens rangés dans les musées Les langues enregistrées Masque autochtone (Museum of anthropology) Melting pot fondu dans la marmite à dollars Chinatown Filles lipstick Garçons aimables Tant que coule la pale ale Qu'abondent burgers et sushis mayo S

Ephémère Darjeeling

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Théière de la collection Chitra ( www.chitracollection.com ) Chaque année, sortent des grands jardins de Darjeeling , comme d’autres plantations autour de la planète, des thés dit «  éphémères  », des grands crus que l’on ne retrouvera jamais à l’identique, des thés d’une saison, d’une récolte. Car le soleil ne se posera jamais exactement de la même façon sur un plant de théier, l’humidité ne sera jamais exactement la même, la chimie de la terre aura changé… toute tasse de grand thé est ainsi singulière : c’est la tasse d’un instant, éphémère, transitoire, comme tous les moments de la vie. C’est cette idée que résume le concept japonais de «  Ichigo Ichié  » ( 一期一会 soit « un instant, une rencontre ») qui sous-tend la cérémonie du thé.   Le concept d’ 一期一会 nous apprend que chaque cérémonie du thé, chaque réunion autour d’une bonne tasse de thé est unique. Il faut ainsi la considérer comme telle et accomplir chaque acte dans la pleine conscience de l’impermanence des chose

Le Musée du gant de Millau

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 Les musées sont des écrins pacifiques pour les œuvres d’art de nos ancêtres ou de nos contemporains. Ce sont aussi souvent des espaces où perdure la dimension immatérielle de notre mémoire collective et des savoir-faire d’antan. Comme toujours, le vocable nous parle et nous dit qu’artiste et artisans ont en commun les trois lettres A - R - T .  A Millau, le Musée du gant illustre parfaitement ce point de rencontre entre art et artisanat. Le gant est à la fois produit d’un savoir-faire technique mais aussi création, dessin, projet esthétique. Pas étonnant que ce pays de brebis et de moutons qui estivent sur les plateaux des Causses balayés par les vents, ait donné naissance, là, dès le XIème siècle, à une industrie reposant sur le travail de la peau (n’oublions pas que c’est aussi le pays du Roquefort et de la laine…). R emontons le fil des mots : dès 1268, le mot « mégisseur » est attesté et désigne celui qui mégit les peaux c’est-à-dire celui qui les tann