Un thé à la violette sur le lac Majeur
Octobre 1854, Belgirate, villa
Allgayer
La première tempête d’automne balaie
le lac Majeur, ourlé de blanc et de gris ; une pluie épaisse
frappe les carreaux de la chambre. Il faut s’imaginer les femmes
corsetées, les dentelles, les rubans de satin, les doigts qui dansent sur le
piano, les pâles visages derrière les voilettes, les regards timides, les sages
camées ivoire et ambre sur les cœurs battants.
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Elle a bien lu Germaine de Staël,
et aussi Mary Shelley ; elle connaît les tourments des hauts de Hurlevent,
les bruyères fuchsia des Highlands. Mais les femmes qui lisent sont dangereuses
alors ; elles ne peuvent courir que dans les ombres et les lumières des
toiles impressionnistes qui diluent aussi les sentiments.
Elle allume la lampe au bulbe de
porcelaine amande et rose, regarde les gouttes perler sur les feuilles du grand magnolia. La domestique monte le grand escalier de granit aux
faux-semblants de marbre, un plateau d’argent entre les bras ; elle dépose
sur le napperon la théière préférée de Madame, une Wedgwood noire au bec fin et au décor
de pivoines, de narcisses et d'iris, offerte par le beau Terence aux yeux d’acier,
de passage à Stresa, qui faisait son Grand Tour.
Mélange de noirs de Chine et de Ceylan, un peu fumé, parsemé de violettes, que poudre, comme un parfum de Paris, l’arôme de la fleur des clairières, là où poussent les mousses humides.
S’échappent d’amples volutes, comme des corolles d'hortensias mauves.
L’orage tonne, un éclair violet
transperce l’horizon ; la foudre frappe les îles Borromées. Le tourbillon
des tourments valse comme les feuilles ocres dans le vent d’octobre. Une calèche
téméraire passe devant le porche fermé, les volets vert anglais claquent.
Gustave Léonard de Jonghe, L'Éventail japonais ou L'Admiratrice du
Japon, vers 1865
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Le thé chaud raconte l'orient extrême, un amour impossible, les pagodes et les vapeurs d’opium derrière les paravents et les éventails de soie sauvage.
L’iris de ses yeux prend la
couleur du ciel.
Sur les eaux étales, un pâle rayon topaze, comme un souvenir fugace, après l’ondée.
Sur les eaux étales, un pâle rayon topaze, comme un souvenir fugace, après l’ondée.
Accompagnements
Les îles Borromées
Le parfum Après l’ondée de la maison Guerlain