Un thé à la violette sur le lac Majeur


Octobre 1854, Belgirate, villa Allgayer

La première tempête d’automne balaie le lac Majeur, ourlé de blanc et de gris ; une pluie épaisse frappe les carreaux de la chambre. Il faut s’imaginer les femmes corsetées, les dentelles, les rubans de satin, les doigts qui dansent sur le piano, les pâles visages derrière les voilettes, les regards timides, les sages camées ivoire et ambre sur les cœurs battants.

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Elle a bien lu Germaine de Staël, et aussi Mary Shelley ; elle connaît les tourments des hauts de Hurlevent, les bruyères fuchsia des Highlands. Mais les femmes qui lisent sont dangereuses alors ; elles ne peuvent courir que dans les ombres et les lumières des toiles impressionnistes qui diluent aussi les sentiments.

 
Paolo Sala, Sul lago di Mergozzo, 1910-1915

Elle allume la lampe au bulbe de porcelaine amande et rose, regarde les gouttes perler sur les feuilles du grand magnolia. La domestique monte le grand escalier de granit aux faux-semblants de marbre, un plateau d’argent entre les bras ; elle dépose sur le napperon la théière préférée de Madame, une Wedgwood noire au bec fin et au décor de pivoines, de narcisses et d'iris, offerte par le beau Terence aux yeux d’acier, de passage à Stresa, qui faisait son Grand Tour.
 
Théière Wedgwood (XIXème siècle)


Mélange de noirs de Chine et de Ceylan,  un peu fumé, parsemé de violettes, que poudre, comme un parfum de Paris, l’arôme de la fleur des clairières, là où poussent les mousses humides.

S’échappent d’amples volutes, comme des corolles d'hortensias mauves. 

L’orage tonne, un éclair violet transperce l’horizon ; la foudre frappe les îles Borromées. Le tourbillon des tourments valse comme les feuilles ocres dans le vent d’octobre. Une calèche téméraire passe devant le porche fermé, les volets vert anglais claquent.



Gustave Léonard de Jonghe, L'Éventail japonais ou L'Admiratrice du Japon, vers 1865

Le thé chaud raconte l'orient extrême, un amour impossible, les pagodes et les vapeurs d’opium derrière les paravents et les éventails de soie sauvage.

L’iris de ses yeux prend la couleur du ciel.

Sur les eaux étales, un pâle rayon topaze, comme un souvenir fugace, après l’ondée.





 
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Accompagnements

Le mouvement des peintres «Macchiaoli» (soit «tachistes», comme les impressionnistes)

Le Japonisme


Le thé à la violette de Dammann frères

Les porcelaines de chez Wedgwood

Le parfum Après l’ondée de la maison Guerlain