Fiat lux(e) — solstice d’hiver



Solstice : du latin «sol», soleil et «sistere», s’arrêter. 

Lumières dans les villes et dans les campagnes, aux fenêtres des appartements et des chaumières; bougies, ampoules multicolores, guirlandes dorées, crèches allumées, cheminées crépitantes.

N’oublions pas de célébrer aussi l’obscurité. Non pas l’obscurantisme, les sombres pensées, les nuages lourds, les ténèbres de l’ignorance, mais l’obscurité d’où naît la clarté, la nuit féconde et scintillante, la source mystérieuse de la création.

Infinity mirror room de l’artiste Yayoi Kusama, Aftermath of Obliteration of Eternity, 2009, collection of the artist.

Éteindre, un soir, les projecteurs, les stroboscopes, les feux d’artifice, les lampadaires, les bureaux, les diodes, les halogènes, les hallucinogènes, pour parer de nouveau le ciel de sa beauté luminescente. 
 
Troquer l’iridescence du «luxe», des vitrines et des rivières de diamant pour les constellations, les colliers de la Voie lactée, le miracle des lucioles. 

Image du dessin animé Le Tombeau des lucioles, Isao Takahata, 1988

Admirer les créateurs qui œuvrent, solitaires, au cœur d’une nuit, ces alchimistes de l’ombre et de la lumière, du froid et du chaud, de la matière et du feu, du yin et du yang : le boulanger qui cuit, dans le four brûlant, les délices de la journée à venir, le forgeron qui pose le fer sur la braise incandescente et martèle le métal rougeoyant pour façonner les objets du quotidien, l’artisan verrier qui, dans son atelier fait surgir la transparence des lustres de cristal à partir du plomb et de la silice, le maître de thé qui écoute le silence de l’aube et allume le brasero pour préparer la cérémonie, le chamane qui soigne les vies par les volutes ascendantes de la fumée du palo santo. 

Triptyque (série des outrenoirs) de Pierre Soulages, 181 cm x 244 cm, 2009, Musée des beaux-arts de Lyon
 
Pierre Soulages a vu, outrenoir, chatoyer les photons, les a captés dans ses toiles où la texture du noir monochrome se transforme en arcs de lumière. Léopold Sédar Senghor, grâce aux pépites du verbe, a fait luire, dans ses poèmes, la nuit diamantine, les peaux huilées des femmes d’Afrique. Au clair de lune, la flamme des notes noires et blanches naît des nocturnes de Chopin sur les claviers d’ébène et d’ivoire. Et c’est dans sa sombre demeure de pierre grise, éclairé et réchauffé par l’âtre et un pâle soleil d’hiver, que médite le philosophe de Rembrandt, à la recherche des lumières de l’esprit.
 
Rembrandt, Le Philosophe en méditation, 29 cm x 33 cm, 1632, musée du Louvre

Où est le luxe? Dans l’éclat éphémère d’une star en lamé or, la gemme d’un collier inaccessible? La première lueur de l’aube, le rayonnement d’une étoile qui a traversé, pour nous atteindre, des milliers d’années-lumière?