L’air que l’on respire


On connaît la madeleine de Proust, le parfum qui fait surgir le passé sans qu’on l’attende. On sait aussi ces notes de musique qui soudain rendent le présent étrange et nous propulsent ailleurs, avant, dans une vie qui n’est plus. 

Mer ionienne, Italie 2017 ©levaporettoblogue.blogspot.com

Parfois encore, sans comprendre, un souvenir précis surgit à la faveur de l’air que l’on respire, d’une brise qui effleure la joue. 

Pour parler des parfums et des goûts, il y a les familles olfactives, les mots des fleurs, des fruits, du bois, de la mer, des épices, etc. ; pour la musique il y a la palette des sentiments et un riche vocable ; mais comment parler de l’air que l’on respire ? 

L’air, cet élément qui nous traverse, nous fait vivre et teinte nos inspirations, nos expirations au gré de nos déplacements dans l’espace et le temps.  

Il y a là un langage à inventer, en équilibre entre impermanence et permanence.

Brumes de Venise, Italie 2017 ©levaporettoblogue.blogspot.com


Air du temps : sensation éphémère qui se transforme en souvenir.

Air tendre, azur et pétillant de fines bulles de l’île du Hierro, sur fond marine parsemé d’écume mouvante.

Air liquide du soleil de Ténérife, lourd comme du plomb en fusion. 

Air primordial et originel des parcelles de Terre inaccessibles : le cœur des forêts pluviales, les sommets des volcans, les fjords isolés, les plages au pied des falaises, les landes au vent et les îlots sous le vent, la crête effilée des glaciers, les parois moussues derrière les cascades.

Malborough Sounds, Nouvelle-Zélande 2017 ©levaporettoblogue.blogspot.com

Air artificiel et insipide des villes modernes, désodorisé par les buildings de verre et de métal, là où la nature s’est tue, où le gazon est devenu plastique dans les rues select du centre. 

Air sombre et silencieux des alpages à la tombée du jour, qui monte de la terre humide et des prairies foulées par les troupeaux. 

Air gai du samedi matin, promesse d’un après-midi oisif et d’une soirée insouciante.

Air léger de la ville au printemps, quand tilleuls et platanes en fleur la parfument de campagne et donnent envie de se rouler dans l’herbe fraîchement coupée. 

Bleu-gris de Bretagne, France 2017 ©levaporettoblogue.blogspot.com

Air encore frais de la Côte d’Azur un petit matin de juillet, rose comme un laurier, vert comme un cyprès, jaune comme un mimosa, à la sortie du train de nuit, le nez plein de l’odeur de la couchette de cuir mêlé au parfum empyreumatique de la mécanique.

Air gris et humide de la fin du mois de septembre qui annonce les lumières des phares dans les brouillards et le grincement des essuie-glaces.  

Air de liberté d'une aube d’hiver dérobé au temps des agendas sérieux, sur le chemin de l’école ou du bureau, quand seul avec soi-même, l’on s’échappe de la routine pour s’inventer un monde.

 Surexposition 2017 ©levaporettoblogue.blogspot.com


Air de l’heure bleue, mystérieux et poétique, espace-temps équivoque, ni chien, ni loup.

Air magique de la nuit des Cyclades, entre abysses de Neptune et constellations antiques. 

Calabre, Italie 2017 ©levaporettoblogue.blogspot.com